Repères historiques

Évolution du concept de "médicament"

Définition de la pharmacognosie

La phytothérapie proprement dite


Principes fondamentaux de phytothérapie

Quelques repères historiques

Les premières traces de l'utilisation des plantes médicinales sont présentes dans des textes chinois datant de plus de 5000 ans avant J.C. Des inscriptions cunéiformes sur des tablettes sumériennes de Mésopotamie font état de l'utilisation du pavot, 2000 ans avant J.C.
Les Égyptiens possédaient déjà des notions de pharmacopée et on peut voir la représentation de plus de 200 plantes différentes sur les bas-reliefs du temple de Karnak (1450 avant J.C.).
La Grèce antique s'est illustrée avec les premiers thérapeutes, botanistes et herboristes du monde occidental : Hippocrate (460-377 avant J.C.), père et symbole de la médecine, Théophraste (382-287 avant J.C.) qui nomma 500 espèces de plantes, Dioscoride (100 ans avant J.C.), auteur d'un recueil de cinq livres consacrés à près de 600 plantes médicinales, Galien (130-201), considéré comme le père de la pharmacie.
Toutes les grandes civilisations développèrent leurs propres traditions phytothérapiques ; Chinois, Mayas, Aztèques, Incas connaissaient et utilisaient des remèdes à base de plantes.
Au Moyen-Âge, l'Europe vit naître de nombreuses écoles de médecine, comme celle de Salerne, en Italie, qui utilisait la sauge.
Parallèlement, pharmaciens et médecins arabes permirent d'importantes avancées comme la découverte des techniques d'extraction des essences par distillation.
Le développement des explorations, débuté avec Christophe Colomb, fut à l'origine de la découverte de nouvelles espèces comme le bois de gaïac, la coca, le quinquina, le gingembre, la cardamome, le curcuma, la muscade, le safran, le séné...
Paracelse (1493-1541), considéré comme le père de la chimie, développa sa célèbre théorie des signatures, selon laquelle les propriétés d'une plante seraient "signées" par sa morphologie ou même son habitat.
En 1692, paraissait la première "Pharmacopée Royale Galénique et Chymique", recueil de préparations médicamenteuses. Le premier codex français fut édité en 1818 et les éditions se sont succédées jusqu'à la dernière édition de la pharmacopée européenne.
Dès le XVIIe siècle, des botanistes participèrent au développement d'une classification des végétaux, parmi lesquels on ne peut oublier C. Linné (1707-1778), le père de la systématique, et le naturaliste Buffon (1707-1788).
Au XIXe siècle, la découverte des molécules uniques, qui confèrent leur activité aux drogues héroïques marqua une nouvelle étape. En 1819, Meissner proposa le nom d'alcaloïde, en raison des propriétés basiques de ces substances azotés ; dans le cas du pavot, la morphine fut isolée en 1817, la codéine en 1832, la papavérine en 1842, même si les structures chimiques détaillées ne furent élucidées que bien plus tard. C'est également l'époque de l'isolement de l'inuline à partir de l'aunée (1804), de la quinine, la strychnine et de la colchicine (1820), de l'acide salicylique de l'écorce de saule (1838)...
Vers 1850, le physiologiste C. Bernard (1813-1878) créait les bases de la pharmacologie expérimentale à partir d'études menées sur les curares des Indiens de l'Amazonie et de Colombie.
Plus récemment, on assista à un essor de l'utilisation de drogues sous formes d'extraits, comme l'aubépine, le ginkgo... D'autres continuent à apparaître constamment, dans de nouveaux axes thérapeutiques (millepertuis, épilobe, echinacea...).
Enfin, depuis 1950, des milliers de travaux de pharmaco-toxico-chimie sur les produits naturels se sont succédés et furent parfois à l'origine d'avancées concrètes pour les malades.


L'évolution du concept de "médicament"

Une espèce végétale est à même de synthétiser plusieurs milliers de constituants chimiques différents, faisant partie de deux types de métabolisme distincts :

• Un métabolisme primaire élabore des éléments indispensable à la vie de la plante, comme certaines protéines, des lipides, des glucides...
• Un métabolisme secondaire, forgé au fil du temps et de l'évolution, propre à chaque espèce végétale, est à l'origine d'une biodiversité moléculaire exceptionnelle. Ce métabolisme secondaire est une source inépuisable de découvertes pour les scientifiques, chaque nouvelle molécule isolée pouvant potentiellement servir de base à la synthèse de nouveaux médicaments.

Au cours des siècles, le médicament a évolué en suivant la recherche de la plus grande efficacité. Ainsi, au Moyen-Âge, la composition des remèdes, ou thériaques, faisait intervenir un nombre faramineux d'espèces végétales, animales, voire minérales. On recherchait alors la panacée, visant à guérir tous les maux, en agissant sur tous les organes, sans distinction.
Plus récemment, les recherches se sont orientées vers une plus grande simplification, préférant l'usage de solutions extractives, comme les teintures, à celui, désormais obsolète, des potions moyenâgeuses. Le solvant de choix était l'éthanol, à un degré alcoolique adapté à la solubilité des composants à extraire. La teinture fut ensuite abandonnée pour l'extrait puis on isola les constituants majoritaires de ces extraits par cristallisation. Aujourd'hui, on réalise de plus en plus souvent des opérations d'hémisynthèse sur les composés extraits afin de moduler l'activité, agir plus spécifiquement sur une cible ou encore limiter les effets indésirables.


Définition de la pharmacognosie

Pharmacognosie vient du grec "gnosis" signifiant connaissance et "pharmakon" qui se traduit par médicament ou remède. La pharmacognosie est donc une discipline s'intéressant à l'étude de remèdes d'origine minérale, végétale ou animale. De nos jours, l'utilisation de médicaments issus de produits animaux est en diminution, en raison des risques sanitaires et les substances indispensables à l'homme, comme l'insuline, sont désormais synthétisées par les biotechnologies. La consommation de substances minérales (kaolin, talc, hydroxydes d'alumine...) sous forme de médicaments reste stable mais relativement limitée. En revanche, la part de médicaments issus de produits végétaux est en constante hausse, renforcée par un effet de mode, peut-être plus durable qu'on n'aurait pu le supposer initialement, pour l'utilisation de molécules assurant une prévention de la santé, ou favorisant le développement aussi bien physique qu'intellectuel. Les nombreux compléments alimentaires (on parle aujourd'hui volontiers d'"alicaments") rencontrent dans cet optique un franc succès. La frontière entre compléments alimentaires et médicaments à base de plantes devient par ailleurs plus complexe à déterminer et le rôle de la pharmacognosie est donc de fournir des réponses scientifiques à cette question.
On peut ainsi définir la pharmacognosie comme étant une discipline fondée sur la connaissance scientifique fondamentale et appliquée des matières premières et des substances naturelles de notre environnement qui ont été sélectionnées au cours des siècles pour la thérapeutique ou qui ont fait leurs preuves cliniques dans la médecine actuelle.
Elle s'intéresse particulièrement aux points suivants :
- Dénomination internationale des matières premières
- Biosynthèse des molécules
- Structures chimiques
- Contrôles de qualité
- Propriétés pharmacologiques et toxicologiques
- Applications en médecine humaine et médicaments qui en dérivent.
Cette science trouve ses origines dans les utilisations empiriques ancestrales mais aussi dans la biodiversité actuelle de notre environnement. Elle évolue actuellement vers la pharmacochimie des molécules, qui cherche à mettre en exergue les interactions entre les molécules présentes dans une plante et les récepteurs humains, ainsi que l'aspect des liaisons entre leurs structures tridimensionnelles.
L'observation clinique est indissociable des médecines dites "traditionnelles". Les résultats de ces observations, affinés par certaines données obtenues expérimentalement, donnèrent naissance à diverses pharmacopées traditionnelles, spécifiques à chaque région ou pays, selon les plantes disponibles dans l'environnement et en fonction des traditions d'utilisations populaires.

On distingue deux types de plantes utilisées en thérapeutique :

Des plantes dont les constituants actifs sont parfaitement définis
Il s'agit alors généralement de matières premières utilisées pour l'extraction industrielle de substances naturelles pures, destinées le plus souvent à des indications thérapeutiques essentielles.
Parmi ces molécules, on trouve :
- la morphine, extraite du pavot et de l'opium, à l'origine des analgésiques centraux de synthèse
- la cocaïne, issue de la coca, qui a donné la série des anesthésiques locaux
- la coumarine du mélilot qui a permis la naissance des anticoagulants de synthèse
- la quinine du quinquina, l'un des premiers antimalariques
- mais aussi l'éphédrine, la réserpine, la théophylline, l'atropine, l'émétine, la digoxine, la digitaline, l'ergotamine...
Ces molécules sont en général dotées d'activités thérapeutiques élevées et ne sont le plus souvent délivrées que sur prescription médicale.

Des plantes médicinales de longue tradition d'utilisation pour des indications mineures
Elles sont utilisées pour des pathologies de moindre gravité mais qui peuvent rendre la vie difficile.
Elles interviennent en outre dans la composition de produits de bien être ou de médications familiales et sont le plus souvent disponibles sans ordonnance ou sur conseil du pharmacien d'officine. Ce sont ces plantes qui représentent ce que l'on appelle communément la phytothérapie.


La phytothérapie proprement dite

Des éléments à prendre en compte

La plante, organisme vivant, marque son identité par des spécificités morphologiques, à l'origine de la classification botanique, mais aussi biochimiques, liées à des voies de biosynthèses inédites, représentant l'intérêt de l'usage des plantes médicinales.
Le médicament à base de plantes est, quant à lui, un "complexe" de molécules, issu d'une ou plusieurs espèces végétales et souvent proposé de nos jours sous des formes galéniques innovantes, contribuant à rendre l'infusion originelle plus ou moins désuète. Néanmoins, la biodisponibilité, le métabolisme peuvent se trouver modifiés par rapport à ceux des remèdes traditionnels.
Le conseil en phytothérapie est donc un art difficile, en raison d'indications potentiellement différentes d'une même plante suivant la forme retenue (poudre, teinture, huile essentielle...), mais aussi à cause de phénomènes de variabilité des effets, propres au patient. La phytothérapie nécessite ainsi une maîtrise rigoureuse de la composition, de la fabrication et enfin de la dispensation.

Un créneau d'indication délimité

Les drogues, initialement utilisées sous forme de tisane, ont été introduites en thérapeutique à une époque ou des disciplines comme la pharmacologie, la pharmacie clinique, la pharmacocinétique n'existaient pas encore. A cette période, aucune preuve de qualité, d'efficacité ou d'innocuité n'était exigée.
Pour autant, il serait bien inutile de réaliser les études cliniques et toxicologiques, indispensables à la mise sur le marché d'un nouveau médicament, pour des capitules de camomille. Mais doit on pour autant dédaigner ces remèdes d'antan, sous prétexte que leurs constituants actifs ne sont pas toujours démasqués et leurs modes d'action élucidés, alors que le recul d'utilisation nous garantit efficacité et sécurité ? Il est vrai que si certains praticiens ou pharmaciens peuvent avoir un à priori négatif vis à vis de la phytothérapie, inversement, certains patients ne jurent que par les plantes, répétant à l'envie que "cela ne peut pas faire de mal". Il est utile de leur rappeler que la digitale peut être un cardiotoxique mortel à fortes doses, que la strychnine et de nombreux autres alcaloïdes sont bel et bien des produits naturels toxiques, que l'utilisation du millepertuis peut générer un certain nombre d'interactions médicamenteuses...
Les médicaments de phytothérapie ou à base de plante peuvent schématiquement s'inscrire dans deux domaines d'indications traditionnelles :

• Des indications de première intention, propres au conseil pharmaceutique
Elles concernent notamment les pathologies saisonnières depuis les troubles psychosomatiques légers jusqu'aux symptômes hépatobiliaires, en passant par les troubles digestifs ou dermatologiques...

• Des indications liés à une thérapeutique de complémentarité
Elles viennent compléter ou renforcer l'efficacité d'un traitement allopathique classique pour des pathologies aiguës d'importance modérée (infection grippale, pathologies ORL...).

Définition de la phytothérapie

La phytothérapie est une discipline allopathique destinée à prévenir et à traiter certains troubles fonctionnels et/ou certains états pathologiques au moyen de plantes, de parties de plantes ou de préparations à base de plantes.


 

Références bibliographiques

WICHTL M., ANTON R., 2003. Plantes thérapeutiques - Tradition, pratique officinale, science et thérapeutique. Éd. Tec et Doc et EMI.

 
     
Dernière mise à jour le 23/09/2005 à 10:35:16